Harcèlement sexuel: l’employeur qui a failli à sa tâche de prévention paye des dommages et intérêts

Par Benoit Massin

Martine X a été embauchée en 1993 par la société B à Castres en qualité de secrétaire-standardiste à temps plein dans le cadre d’un CDD à l’expiration duquel elle a été maintenue dans son emploi qui devient un CDI. Au cours d’un entretien ayant eu lieu début janvier 1995 dans le bureau de la direction à l’initiative du chef du personnel, Monsieur A, la salariée, à laquelle il était reproché divers manquements concernant la qualité de son travail, a informé l’employeur qu’elle était victime de harcèlement sexuel de la part du chef du personnel. Par lettre, le président directeur général, Monsieur C, a alors enjoint à la salariée d’apporter rapidement des preuves de ses accusations sans quoi il se verrait dans l’obligation de prendre une sanction disciplinaire à son égard. Mme X dépose alors plainte avec constitution de partie civile pour harcèlement sexuel et attentat à la pudeur à l’encontre de Monsieur A. Par courrier, le président directeur général prend acte du dépôt de la plainte et écrit à la salariée qu’il « réservait sa décision dans l’attente de celle que rendra la justice » mais que dans cette attente l’organisation mise en place à l’occasion du RV était maintenue. Mme X a été en arrêt de travail médicalement constaté à compter du 3 février 1995 jusqu’au 31 janvier 1997 (soit 2 ans).
Le chef du personnel, Monsieur A, par jugement du 3 septembre 1997 confirmé le 12 mars 1998 par la cour d’appel de Toulouse, a été condamné à 5 mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 francs d’amende pour avoir courant 1993, 1994 et jusqu’au 11 janvier 1995, en abusant de l’autorité que lui conférait ses fonctions et en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, harcelé Mme X dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle et avoir commis au cours de la même période des agressions sexuelles sur la personne de cette dernière et d’une autre salariée de l’entreprise. Mme X qui s’était constituée partie civile devant la juridiction pénale a également été indemnisée par Monsieur A du préjudice découlant de l’infraction.
Le 22 juillet 1998 Mme X saisit le conseil de Prud’hommes de Castres d’une demande en résolution judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et en dommages et intérêts. Le conseil de prud’hommes a considéré que la rupture du contrat de travail était imputable à la salariée qui, faisant toujours partie de l’entreprise, ne s’était pas rendue sur les lieux du travail le 1er février 1997 à l’issue de son dernier arrêt de travail et avait ainsi fait obstacle à la visite de reprise du médecin du travail. Mme X ayant été déboutée de toutes ses demandes par le conseil de Prud’hommes de Castres, elle a fait appel de ce jugement.
Devant la Cour d’Appel, Mme X soutient que dès qu’il a eu connaissance des accusations légitimes qu’elle portait l’encontre du chef du personnel, l’employeur a délibérément pris le parti de ce dernier, menaçant de la licencier pour dénonciation calomnieuse ; que la position de l’employeur, la procédure pénale qu’elle avait elle-même engagée et la dégradation de son état de santé lié aux agissements dont elle a été victime l’ont contrainte en janvier 1995 à interrompre son travail. A compter du 1er février 1997, elle était à nouveau apte à reprendre une activité professionnelle à condition toutefois que cet emploi soit situé en dehors de l’entreprise B. Malgré de multiples relances de sa part, la médecine du travail ne s’est jamais prononcée sur son sort et a refusé de lui communiquer les comptes-rendus des visites médicales auxquelles elle s’est soumise. L’appelante prétend avoir subi un préjudice important puisque, privée de salaire depuis février 1995 et psychologiquement fragilisée, elle a quitté la région pour se réfugier dans sa famille à Toulon. Les agressions subies et les conséquences qui s’en sont suivies ont eu en outre de graves répercussions tant sur son état de santé que sur sa vie privée, justifiant l’octroi de dommages et intérêts qu’elle chiffre à la somme de 400 000 francs toutes causes confondues. Elle sollicite en sus l’octroi de la somme de 10 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société B prétend qu’à la suite des accusations portées par la salariée à l’encontre de son supérieur hiérarchique elle avait pris les dispositions qui s’imposaient pour couper tout contact entre ces deux personnes ; l’employeur déclare que Mme X, qui était en arrêt de travail ininterrompu depuis le mois de janvier 1995 jusqu’au 31 janvier 1997, avait quitté la région de Castres pour s’installer à Toulon ; qu’à l’issue de son dernier arrêt de travail, le 1er février 1997, elle n’a plus reparu dans l’entreprise, mettant la société B dans l’impossibilité de la soumettre à la visite médicale de reprise imposée par la loi ; la société soutient que la salariée a elle-même créé la situation d’impasse dans laquelle elle s’est trouvée
Il a été établi que Mme X a bien été victime de faits qualifiés de harcèlement sexuel de la part du directeur administratif et financier de l’entreprise Monsieur A ; que ces faits avaient été portés à la connaissance du chef d’entreprise par la salariée au début de l’année 1995 ; que dans un courrier du 10 janvier 1995, l’employeur, informé des accusations pesant sur le directeur, a ouvertement pris position en faveur de ce dernier en adressant à la salariée qui n’avait jamais fait l’objet de remarques antérieurement, toute une liste de reproches sur la qualité de son travail et en la menaçant de sanction disciplinaire si elle ne lui apportait pas dans les trois jours la preuve de ses accusations ; que l’employeur auquel il incombe de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel au sein de l’entreprise et de sanctionner les auteurs, a failli dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire en prenant délibérément la défense de la personne accusée sans avoir procédé à aucune vérification et en exerçant sur la salariée des menaces et des pressions morales destinées à la dissuader de maintenir ses déclarations ; que le président directeur général des établissements B s’est contenté d’indiquer à la salariée qu’elle serait désormais sous l’autorité d’un autre supérieur hiérarchique mais n’a pris aucune disposition pour prévenir ou éviter le renouvellement des agissements dénoncés ; que la salariée était donc exposée aux risques de représailles du harceleur contre lequel elle avait déposé plainte ; que l’attitude adoptée par l’employeur et la partialité dont il a fait preuve dans la conduite de cette affaire ne permettait pas à Mme X, suspectée d’affabulation, déconsidérée professionnellement et menacée dans son emploi, d’exécuter normalement son contrat de travail ; qu’en fait, la salariée dont l’état de santé était déficient pour autre cause a dû à la même époque interrompre son activité et ne l’a jamais reprise depuis lors ; qu’il résulte des documents médicaux que, parallèlement à cette affection, Mme X a développé un syndrome dépressif réactionnel aux faits de harcèlement ; que son état a nécessité une prise en charge psychothérapique et le suivi d’un traitement psychotrope majeur pendant plus d’un an.
Aussi, la Cour d’Appel infirme le jugement du conseil de Prud’hommes de Castres de 1999. Elle estime que la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur et juge que les conséquences de la rupture du contrat de travail et des circonstances qui l’ont entourée justifient l’octroi de dommages et intérêts. La salariée victime de harcèlement sexuel est en droit d’obtenir la résolution judiciaire du contrat de travail. L’employeur, auquel il incombe de prendre toutes les dispositions de nature à prévenir de tels faits au sein de l’entreprise, lorsqu’il est informé, est tenu d’une particulière diligence pour prévenir ou éviter le renouvellement des agissements dénoncés. En se contentant de placer la salariée victime sous l’autorité d’un autre supérieur hiérarchique, l’employeur a commis une faute à l’origine exclusive de la rupture. La société B est condamnée à payer à Mme X la somme de 112 000 francs à titre de dommages et intérêts et 8000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société B est également condamnée aux dépens (Cour d’appel de Toulouse, Chambre sociale, 26 octobre 2000).
L’obligation de prévention de l’employeur
La Loi du 17 janvier 2002, qui introduit le concept de harcèlement moral au travail et renforce les dispositions concernant le harcèlement sexuel, précise qu’il « appartient au chef d’entreprise de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les actes visés aux deux articles précédents » (art L122-48 & L122-51). Le règlement intérieur doit rappeler « les dispositions relatives à l’abus d’autorité en matière sexuelle » et les « dispositions relatives à l’interdiction de toute pratique de harcèlement moral » (art. L 122-34). Cette obligation de prévention s’inscrit dans la démarche générale du Code du Travail depuis les lois de 1991 et 2001 (art L230-2 : « Le chef d’établissement prend les mesures nécessaires pour (…) protéger la santé physique et mentale des travailleurs (…). Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés». De son côté, le CHSCT peut « proposer des actions de prévention en matière de harcèlement sexuel et de harcèlement moral » (art L236-2). Le Code du Travail impose donc à l’employeur de « prendre toutes dispositions nécessaires » afin de prévenir les agissements relevant du harcèlement moral ou sexuel. Ne pas le faire, c’est se mettre en position de faiblesse le jour où il y a un problème.

4 commentaires »

  1. Georges Vlooney le 24 août 2007

    La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 ayant une partie sur le harcèlement moral et sexuel, quelle est l’évolution de la jurisprudence ?
    Merci de mettre des exemples plus récents.

  2. Georges Vlooney le 26 août 2007

    Voila ce qu”on appel un article synthétique !!!

  3. Georges Vlooney le 26 août 2007

    avec une faute à appel : lire appelle bien sûr !!!!!

  4. Georges Vlooney le 12 septembre 2007

    Et bien dit moi, Hamidouche tu as du en bavé.
    Arriver à ce point, faut consulter !!!!
    Bon courage en tout cas.

    PS : un petit effort sur l’orthographe, ce serait pas un mal.

Laisser un commentaire


obligatoire


obligatoire